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les cruautés de l’amour

Ivan accourut, l’échine courbée, et baisa la manche du seigneur. Au même moment Catherine entra comme un coup de vent dans la chambre de Clélia.

— Le barine ! cria-t-elle, le barine qui arrive sans avoir prévenu !

— Eh bien, qu’est-ce que cela fait ? dit Clélia.

— Quand il vient ce n’est jamais rien de bon, dit Catherine, et puis qu’allons-nous lui dire ? tu lui fais l’honneur d’habiter sa chambre.

— Ne t’effraie pas pour si peu de chose, on transportera mes bagages dans une autre pièce et il ne saura rien.

— Il faut que j’aille le saluer, dit Catherine.

Et elle sortit comme elle était entrée.

Clélia termina sa toilette et, poussée par la curiosité, descendit aussi.

On avait ouvert la porte de cette salle où l’on n’entrait jamais, et qu’elle avait traversée la nuit de son arrivée. Le nouveau venu était assis sur le divan de maroquin vert, il caressait la tête de Phœbé posée sur ses genoux, tout en parlant à Ivan qui se tenait debout devant lui.

Clélia le considéra de loin par la baie de la porte. Il paraissait trente ans environ. Grand, mince, un peu maigre même, le sang à fleur de peau, ce qui rendait son visage plus foncé de ton que ses che-