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les cruautés de l’amour

le mien, et, vous ne songez pas, je pense, à le prendre pour le vôtre.

— Vous avez raison, on dirait un pied de géant.

— Du reste, nous ne sommes jamais venus nous baigner si loin de chez nous.

— L’île est donc habitée par des hommes qui ont de tels pieds ? s’écria milady épouvantée.

— Et par des hommes complétement sauvages, dis-je, car ils ne portent même pas de souliers.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! que vont-ils nous faire ?

— Il serait prudent de rentrer chez nous ; le sauvage n’est peut-être pas loin.

— Oui, mais voyez, il y a des pas qui viennent et des pas qui s’en vont. Nous suivîmes soigneusement les traces. Le sauvage était venu jusqu’au bord de la dernière vague, puis il avait rebroussé chemin de quelques pas, et s’était assis sur le sable. (Il n’avait pas non plus de pantalon !) Ensuite il s’était relevé et avait continué à marcher vers la dune, qu’il avait gravie.

Cette certitude acquise, nous la gravîmes à notre tour, et laissant dépasser seulement le haut de notre tête, nous regardâmes avidement la lande. Elle était absolument déserte.

Cependant l’île était habitée ! les empreintes de pieds en étaient une preuve irrécusable et la tran-