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les cruautés de l’amour

étaient grandes ouvertes, encombrées de sacs et de paquets abandonnés.

— S’il vous plaît, préparez-moi mon chocolat, dit derrière la cloison, une voix douce, avec un léger accent britannique.

Je reconnus immédiatement la voix de milady Campbell, ma voisine de table d’hôte, une charmante anglaise que j’adorais depuis mon départ, n’ayant rien de mieux à faire.

Je n’étais donc pas seul ! Une autre victime était destinée au même supplice ! Cela me remit un peu.

— Faites-le plus épais que d’ordinaire, continua milady Campbell ; du reste, prenez celui-ci ; je n’aime pas le chocolat du paquebot.

En même temps une main fine et pâle me tendit une livre de chocolat dans sa double enveloppe de papier d’argent et de papier bleuâtre.

Puis, la porte se referma.

Le chocolat à la main, je demeurai immobile, ne sachant comment annoncer le désastre à l’infortunée jeune femme. Je résolus d’user de quelque ménagement.

— Milady, insinuai-je, milady, nous sommes perdus, nous sombrons.

— Ah ! ah ! c’est vous, monsieur de Puyroche,