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les cruautés de l’amour

manque de savoir-vivre, traite le noble comme elle traite le paysan et même, je dois l’avouer, j’ai souvent trouvé l’homme du peuple plus fort, plus beau et meilleur ; il est résigné et courageux tandis qu’il souffre et, une fois guéri, reconnaissant des soins qu’on lui a donnés ; j’ai donc pour lui une préférence marquée. Si je suis appelé à la fois par un seigneur et par un moujik, je me rends d’abord au chevet du paysan ; mais, à cause de cela, je passe pour un original assez dangereux ; je ne veux imposer mes idées à personne. Je ne vois pas un seul être auprès de vous qui puisse vous donner un conseil désintéressé, c’est pourquoi je me permets de vous parler, j’ai quelques droits à votre estime et vous savez combien je vous aime ; c’est à cela que je dois d’être écouté par vous, avec un peu d’impatience, avouons-le, mais avec attention. C’est moi, chère petite, qui vous ai reçue dans mes bras à votre entrée dans ce monde, je ne vous ai jamais perdue de vue, je ne suis donc pas un étranger pour vous et je puis me permettre de vous aider à lire dans votre âme. Je vous connais, j’apprécie les grandes qualités de votre cœur et de votre esprit, mais je déplore aussi quelques défauts que d’autres, peut-être, trouveront charmants et qui sont le fond de votre caractère ; ne vous fâchez pas : vous êtes capricieuse, volontaire, coquette, rageuse