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les cruautés de l’amour

— Bientôt, mademoiselle, dit le notaire un peu froissé. Je dois vous apprendre, continua-t-il, que, votre tuteur avait cru pouvoir disposer d’une somme de cinquante mille roubles, vous appartenant, et la risquer dans une entreprise ayant pour but de relever sa propre fortune. Par malheur, l’affaire n’a pas réussi et la somme est perdue.

Prascovia était au supplice.

— Il me reste quelque argent, dit-elle d’une voix étranglée, et dussé-je aller mendier sur les chemins, je restituerai la somme perdue.

— Bah ! garde ton argent, dit Clélia, cinquante mille roubles, qu’est-ce que cela ? Pourquoi me parle-t-on de cette misère ?

— Ah ! quel cœur généreux tu as ! s’écria Prascovia en se jetant dans les bras de la jeune fille.

— Puis-je m’en aller ? dit Clélia en regardant le notaire.

— Mais… pas encore ; à moins que vous ne donniez vos pleins pouvoirs à quelqu’un.

— Je le veux bien, à qui donc ? ah ! à Pavel ! s’écria-t-elle en apercevant le vieillard.

— Comment ! à un serf !

— Pavel ! un serf !

— Barynia, dit-il en s’avançant, votre joug est si léger que je n’ai jamais songé à vous demander ma liberté.