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les cruautés de l’amour

devant lui, mit ses lunettes sur son nez et se moucha bruyamment.

— Si vous le permettez, dit-il, je vais, au nom de Mme Prascovia Samaïlowna, ici présente, vous rendre un compte exact de l’état de vos biens, régis jusqu’à ce jour par le regretté seigneur Samaïlof.

Et il commença à lire très-attentivement les cahiers amassés devant lui.

Il énuméra les villages, les champs, les métairies, les moujiks appartenant à la jeune fille ; il donna le chiffre de la redevance que payait tel ou tel fermier, il établit la moyenne des récoltes, dit le nombre des serfs morts ou malades et donna le total des naissances ; puis il en vint aux sommes liquides, énonça les différents modes de placement, les gains et les pertes.

Cette voix monotone finit par endormir Clélia, et le notaire s’aperçut que sa cliente ne l’écoutait pas du tout.

— Si la demoiselle dort, dit-il, nous ne pouvons continuer.

— Elle est si lasse, dit Prascovia.

— N’importe ; il y a certaines choses qu’elle doit entendre.

Ils se turent un instant. Clélia s’éveilla aussitôt.

— Est-ce fini ? dit-elle.