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les cruautés de l’amour

ajouta-t-elle en voyant la robe qu’on lui préparait.

— Ne porterez-vous pas le deuil quelques jours au moins ? dit Prascovia, vous devez bien cela à la mémoire de l’homme qui vous a servi de père.

— C’est juste, dit Clélia en bâillant.

— D’ailleurs, vous êtes charmante ainsi, vos cheveux d’or, roulant sur cette étoffe sombre, sont encore plus magnifiques.

La réunion avait lieu dans la bibliothèque située au rez-de-chaussée ; toutes sortes de personnages que Clélia ne connaissait pas y étaient assemblés : régisseurs, fermiers, intendants. Le notaire, assisté de ses clercs, était assis devant une table ; il se leva quand la jeune fille entra.

— Pardon ! je vous ai fait attendre, dit-elle en s’asseyant dans le fauteuil préparé pour elle.

Prascovia s’assit aussi, mais elle était dans une agitation extraordinaire, elle rougissait, puis pâlissait et poussait de profonds soupirs, de temps à autre elle jetait sur Clélia des regards moitié haineux, moitié suppliants.

La jeune fille, d’ailleurs, n’y prenait pas garde, sa pensée était auprès d’André. Le menton dans la main, les regards fixés à terre, elle semblait avoir parfaitement oublié les assistants.

Le notaire remua plusieurs cahiers disposés