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LE CAPITAINE FRACASSE.

qualité que ce carrosse le voiturait si mystérieusement ! Il essaya de s’orienter, mais il connaissait peu Poitiers ; cependant il lui sembla, au bout de quelque temps, que le bruit des roues n’était plus répercuté par des murailles et que l’équipage ne coupait plus de ruisseaux. On roulait hors la ville, dans la campagne, vers quelque retraite propice aux amours et aux assassinats, pensa Léandre avec un léger frisson et en portant la main à sa dague, comme si quelque mari sanguinaire ou quelque frère féroce fût assis devant lui dans l’ombre.

Enfin la voiture s’arrêta. Le petit page ouvrit la portière ; Léandre descendit, et se trouva en face d’une haute muraille noirâtre qui lui parut être la clôture de quelque parc ou jardin. Bientôt il y distingua une porte que son bois fendillé, bruni et couvert de mousse faisait d’abord confondre avec les pierres du mur. Le page pressa fortement un des clous rouillés qui fixaient les planches, et la porte s’entr’ouvrit.

« Donnez-moi la main, dit le page à Léandre, que je vous guide ; il fait trop sombre pour que vous me puissiez suivre à travers ces labyrinthes d’arbres. »

Léandre obéit, et tous deux marchèrent pendant quelques minutes dans un bois encore assez touffu, quoique fort dépouillé par l’hiver, et dont les feuilles sèches craquaient sous leurs pieds. Au bois succéda un parterre dessiné par des buis, et ornés d’ifs taillés en pyramide qui prenaient, dans l’obscurité, de vagues apparences de spectres ou d’hommes en senti-