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LE CAPITAINE FRACASSE.

quis de Bruyères, était jeune, à la mode, et en passe de parvenir.

Après Lygdamon et Lydias on joua les Rodomontades du capitaine Fracasse, qui eurent leur effet accoutumé et soulevèrent d’immenses éclats de rire. Sigognac, bien stylé par Blazius et servi par une intelligence naturelle, fut de la plus réjouissante extravagance dans le rôle du capitan. Zerbine semblait frottée de lumière, tant elle étincelait, et le marquis, hors de sens, l’applaudissait comme un furieux. Le vacarme qu’il faisait attira même l’attention de la dame masquée. Elle haussa légèrement les épaules, et sous le velours de son touret de nez un sourire ironique releva le coin de ses lèvres. Quant à l’Isabelle, la présence du duc de Vallombreuse, assis à droite de la scène, lui causait un certain malaise qui eût été visible pour le public si elle eût été une comédienne moins exercée. Elle redoutait de sa part quelque incartade insolente, quelque marque de désapprobation outrageuse. Mais sa crainte ne fut pas réalisée. Le duc ne chercha pas à la déconcerter par un regard trop fixe ou trop libre ; même il l’applaudit avec décence et réserve quand elle le méritait. Seulement, lorsque les situations de la pièce amenaient pour le capitaine Fracasse nasardes, chiquenaudes et coups de bâton, une singulière expression de dédain contenu se peignait sur les traits du jeune duc. Sa lèvre se rebroussait orgueilleusement, comme s’il eût dit tout bas : Fi donc ! Mais il ne témoigna rien des sentiments qui pouvaient l’agiter intérieurement, et il conserva tout