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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

Elle avait fort bonne grâce en cette attitude nonchalante, la tête un peu penchée, un bras pendant et l’autre ramené sur sa ceinture. Sa cotte était d’un vert d’eau glacé d’argent et retroussée par des nœuds de velours noir. Elle avait en les cheveux piquées quelques fleurettes des champs, comme si sa main distraite les eût cueillies et placées là sans y penser. Cette coiffure, au reste, lui seyait à merveille et mieux que diamants, bien que ce ne fût pas son avis, mais l’indigence de son écrin l’avait forcée d’être de bon goût et de ne point orner une bergère comme une princesse. Elle dit d’une manière charmante toutes ces phrases poétiques et fleuries sur les roses, sur les zéphyrs, sur la hauteur des bois, sur le chant des oiseaux, par lesquels Sylvie empêche malicieusement Lygdamon de lui parler de sa flamme, quoique cet amant trouve dans chaque image qu’emploie la belle un symbole d’amour et une transition pour revenir à l’idée qui l’obsède.

À travers cette scène, Léandre, pendant que Sylvie parlait, eut l’art de diriger quelques soupirs du côté de la loge mystérieuse, et il en fit de même jusqu’à la fin de la pièce, qui s’acheva au bruit des applaudissements. Il est inutile d’en dire plus long sur un ouvrage qui est maintenant entre toutes les mains. Le succès de Léandre fut complet, et chacun s’étonna qu’un comédien de ce mérite n’eût point encore paru devant la cour. Sérafine avait aussi ses partisans, et sa vanité blessée se consola par la conquête du chevalier de Vidalinc, qui, s’il ne valait pas comme fortune le mar-