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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

bien arrangé les choses, car il avait sur le cœur les regards insolents et libertins du jeune duc à l’endroit d’Isabelle.

La représentation devait commencer à trois heures, et depuis le matin, le crieur de la ville se promenait par les rues battant la caisse et annonçant le spectacle, dès qu’il s’était formé autour de lui un cercle de curieux. Le drôle avait les poumons de Stentor, et sa voix, habituée à promulguer les édits, donnait aux titres des pièces et aux noms des acteurs une redondance emphatique la plus majestueuse du monde. Les vitres en tremblaient aux fenêtres et les verres vibraient à l’unisson sur les tables dans l’intérieur des logis. Il possédait, en outre, une manière automatique de remuer le menton en prononçant ses phrases qui le faisait ressembler à un casse-noisette de Nuremberg et mettait en joie tous les polissons. Les yeux n’étaient pas moins sollicités que les oreilles, et ceux qui n’avaient pas entendu l’annonce pouvaient voir aux carrefours les plus fréquentés, sur les murailles du jeu de paume et contre la porte des Armes de France, de grandes affiches placardées où, en majuscules rouges et noires savamment alternées, figuraient Lygdamon et Lydias et les Rodomontades du capitaine Fracasse, tracés au pinceau par Scapin, le calligraphe de la troupe. Ces affiches étaient disposées en style lapidaire, à la façon romaine, et les délicats n’eussent rien trouvé à y reprendre.

Un valet de l’auberge, qu’on avait affublé en portier de comédie, avec une souquenille mi-partie vert et