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LE CAPITAINE FRACASSE.

rode ou la rejoindre à Paris si elle y est déjà. Je veux reprendre mon emploi de soubrette, il y a longtemps que je n’ai dupé de Géronte. » Cela fit rire le marquis. « Eh bien ! dit-il, partez en avant avec l’équipage de mules que je mets à votre disposition. Je vous suivrai sous peu. J’ai quelques affaires négligées qui exigent ma présence à la cour, et il y a longtemps que je me rouille en province. Vous me permettrez bien de vous applaudir, et si je gratte à la porte de votre loge, vous m’ouvrirez, je pense. » Je pris un petit air pudibond mais qui n’avait rien de désespérant. « Ah ! monsieur le marquis, que me demandez-vous là ! » Bref, après les adieux les plus tendres, j’ai sauté sur ma mule et me voici aux Armes de France.

— Mais, dit Hérode, d’un ton de doute, si le marquis ne venait pas, tu serais furieusement attrapée. »

Cette idée parut si bouffonne à Zerbine qu’elle se renversa dans son fauteuil et se mit à rire à gorge déployée, en se tenant les côtes. « Le marquis ne pas venir ! s’écria-t-elle lorsqu’elle eut repris son sang-froid, tu peux faire retenir son appartement d’avance. Toute ma crainte était qu’en son ardeur il ne m’eût dépassée. Ah çà ! tu doutes de mes charmes, Tyran aussi imbécile que cruel. Décidément les tragédies t’abrutissent. Tu avais plus d’esprit autrefois. »

Léandre, Scapin, qui avaient appris par les valets l’arrivée de Zerbine, entrèrent dans la chambre et la complimentèrent. Bientôt parut dame Léonarde dont les yeux de chouette flamboyèrent à la vue de l’or et des bijoux étalés sur la table. Elle se montra auprès de