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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

sant au bord du toit, écouter la conversation que je tenais avec Blazius, il te serait arrivé cette chose rare pour les absents, d’entendre ton éloge sur le mode lyrique, pindarique et dithyrambique.

— À la bonne heure, répondit Zerbine, je vois que vous êtes toujours les bons compagnons d’autrefois et que votre petite Zerbinette vous manquait. »

Des garçons d’auberge entrèrent dans la chambre et y déposèrent des paquets, des boîtes, des valises, dont la comédienne fit la revue et qu’elle ouvrit, en présence de ses deux camarades, avec plusieurs petites clefs passées dans un anneau d’argent.

C’étaient de belles nippes, du fin linge, des guipures, des dentelles, des bijoux, des pièces de velours et de satin de la Chine : tout un trousseau aussi galant que riche. Il y avait, en outre, un sac de peau long, large, lourd, bourré de pécune jusqu’à la gueule, dont Zerbine dénoua les cordons et qu’elle fit ruisseler sur la table. On eût dit le Pactole monnayé. La Soubrette plongeait ses petites mains brunes dans le tas d’or, comme une vanneuse dans un tas de blé, en soulevait ce que pouvaient contenir ses paumes réunies en coupe, puis les ouvrait et laissait retomber les louis en pluie brillante, plus épaisse que celle dont fut séduite Danaé fille d’Acrise en sa tour d’airain. Les yeux de Zerbine scintillaient d’un éclat aussi vif que celui des pièces d’or, ses narines se dilataient et un rire nerveux découvrait ses dents blanches.

« Sérafine crèverait de male rage si elle me voyait tant d’argent, dit la Soubrette à Hérode et à Blazius ;