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OÙ LE ROMAN JUSTIFIE SON TITRE.

Thalia, muse comique, en un mot chez le célèbre Bellombre, naguère tant applaudi de la cour et de la ville, sans compter la province. Vous connaissez tous sa gloire insigne. Bénissez le hasard qui nous adresse juste à la retraite philosophique où ce héros du théâtre se repose sur ses lauriers.

— Entrez, mesdames et messieurs, dit Bellombre en s’avançant vers les comédiens avec une courtoisie pleine de grâce et sentant un homme qui n’a pas oublié les belles manières sous ses habits à la paysanne. Le vent froid de la nuit pourrait enrouer vos précieux organes, et quelque modeste que soit ma demeure, vous y serez toujours mieux qu’en plein air. »

Comme on le pense bien, les compagnons de Blazius ne se firent pas prier et ils entrèrent dans la ferme fort charmés de l’aventure, qui, du reste, n’avait d’extraordinaire que l’à-propos de la rencontre. Blazius avait fait partie d’une troupe où se trouvait Bellombre, et comme leurs emplois ne les mettaient pas en rivalité, ils s’appréciaient et étaient devenus fort amis, grâce à un goût commun pour la dive bouteille. Bellombre, qu’une vie fort agitée avait jeté dans le théâtre, s’en était retiré, ayant hérité à la mort de son père de cette ferme et de ses dépendances. Les rôles qu’il jouait exigeant de la jeunesse, il n’avait pas été fâché de disparaître avant que les rides vinssent écrire son congé sur son front. On le croyait mort depuis longtemps et les vieux amateurs décourageaient les jeunes comédiens avec son souvenir.

La salle où pénétrèrent les acteurs était assez vaste