Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
CHEZ MONSIEUR LE MARQUIS.

Si Yolande de Foix n’eût pas été là, plusieurs déesses mortelles auraient fait hésiter un Pâris chargé d’accorder la pomme d’or, mais sa présence rendait toute lutte inutile. Elle ne ressemblait pourtant pas à l’indulgente Vénus, mais bien plutôt à la sauvage Diane. La jeune châtelaine était d’une beauté cruelle, d’une grâce implacable, d’une perfection désespérante. Son visage, allongé et fin, ne semblait pas modelé avec de la chair, mais découpé dans l’agate ou l’onyx, tant les traits en étaient purs, immatériels et nobles. Son col amenuisé, flexible comme celui d’un cygne, s’unissait, par une ligne virginale, à des épaules encore un peu maigres et à une poitrine juvénile d’une blancheur neigeuse, que ne soulevaient pas les battements du cœur. Sa bouche, ondulée comme l’arc de la chasseresse, décochait la moquerie même lorsqu’elle restait muette, et son œil bleu avait des éclairs froids à déconcerter l’aplomb des hardiesses. Cependant son attrait était irrésistible. Toute sa personne, insolemment étincelante, jetait au désir la provocation de l’impossible. Nul homme n’eût vu Yolande sans en devenir amoureux, mais être aimé d’elle était une chimère que bien peu se permettaient de caresser.

Comment était-elle habillée ? Il faudrait plus de sang-froid que nous n’en possédons pour le dire. Ses vêtements flottaient autour de son corps comme une nuée lumineuse où l’on ne discernait qu’elle. Nous pensons cependant que des grappes de perles se mêlaient aux crespelures de ses cheveux blonds scintillants comme les rayons d’une auréole.