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LE CAPITAINE FRACASSE.

ques, nasardes et bouffonneries, a toujours eu ce privilège de faire rire les plus honnêtes gens.

— N’en cherchez point d’autres, dit le marquis de Bruyères, et comment s’appelle ce bienheureux chef-d’œuvre ?

— Les Rodomontades du capitaine Matamore.

— Bon titre, sur ma foi ! la Soubrette a-t-elle un beau rôle ? fit le marquis en lançant un coup d’œil à Zerbine.

— Le plus coquet et le plus coquin du monde, et Zerbine le joue au mieux. C’est son triomphe. Elle y fut toujours claquée, et cela sans cabale ni applaudisseurs apostés. »

À ce compliment directorial, Zerbine crut qu’il était de son devoir de rougir quelque peu, mais il ne lui était pas facile d’amener un nuage de vermillon sur sa joue brune. La modestie, ce fard intérieur, lui manquait totalement. Parmi les pots de sa toilette, il n’y avait pas de ce rouge-là. Elle baissa les yeux, ce qui fit remarquer la longueur de ses cils noirs, et elle leva la main comme pour arrêter au passage des paroles trop flatteuses pour elle, et ce mouvement mit en lumière une main bien faite, quoique un peu bise, avec un petit doigt coquettement détaché et des ongles roses qui luisaient comme des agates, car ils avaient été polis à la poudre de corail et à la peau de chamois.

Zerbine était charmante de la sorte. Ces feintes pudicités donnent beaucoup de ragoût à la dépravation véritable ; elles plaisent aux libertins, bien qu’ils