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LE CAPITAINE FRACASSE.

damnable et subversive de toute hiérarchie théâtrale ! « Ardez un peu cette mauricaude, il lui faut des marquis pour l’aider à descendre de charrette, » fit intérieurement la Sérafine dans un style peu digne du ton maniéré et précieux qu’elle affectait en parlant ; mais le dépit, entre femmes, emploie volontiers les métaphores de la halle et de la grève, fussent-elles duchesses ou grandes coquettes.

« Jean, dit le marquis à un valet qui sur un geste du maître s’était approché, faites remiser ce chariot dans la cour des communs et déposer les décorations et accessoires qu’il contient bien à l’abri sous quelque hangar ; dites qu’on porte les malles de ces messieurs et de ces dames aux chambres désignées par mon intendant et qu’on leur donne tout ce dont ils pourraient avoir besoin. J’entends qu’on les traite avec respect et courtoisie. Allez. »

Ces ordres donnés, le seigneur de Bruyères remonta gravement le perron, non sans avoir lancé, avant de disparaître sous la porte, un coup d’œil libertin à Zerbine, qui lui souriait d’une façon beaucoup trop avenante au gré de donna Sérafina, outrée de l’impudence de la Soubrette.

Le char à bœufs accompagné du Tyran, du Pédant et du Scapin, se dirigea vers une arrière-cour, et avec l’aide des valets du château on eut bientôt extrait du coffre de la voiture une place publique, un palais et une forêt sous forme de trois longs rouleaux de vieille toile ; on en sortit aussi des chandeliers de modèle antique pour les hymens, une coupe de bois doré, un