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LE CAPITAINE FRACASSE.

mine du drôle il était permis, sans manquer à la charité, de les supposer nombreuses.

Tel était le personnage avec qui Chiquita entretenait des relations mystérieuses.

« Eh bien ! Chiquita, dit Agostin en passant avec un geste amical sa rude main sur la tête de l’enfant, qu’as-tu remarqué à l’auberge de maître Chirriguirri ?

— Il est venu, répondit la petite, un chariot plein de voyageurs ; on a porté cinq grands coffres sous le hangar, qui semblaient assez lourds, car il fallait deux hommes pour chacun.

— Hum ! fit Agostin, quelquefois les voyageurs mettent des cailloux dans leurs bagages pour se créer de la considération auprès des hôteliers ; cela s’est vu.

— Mais, répondit Chiquita, les trois jeunes dames qui sont avec eux ont des galons en passementeries d’or sur leurs habits. L’une d’elles, la plus jolie, a autour du cou un rang de gros grains blancs d’une couleur argentée, et qui brillent à la lumière ; oh ! c’est bien beau ! bien magnifique !

— Des perles ! bon cela, dit entre ses dents le bandit, pourvu qu’elles ne soient pas fausses ! On travaille d’un si merveilleux goût à Murano, et les galants du jour ont des morales si relâchées !

— Mon bon Agostin, poursuivit Chiquita d’un ton de voix câlin, si tu coupes le cou à la belle dame, tu me donneras le collier.

— Cela t’irait bien, en effet, et congruerait merveilleusement à ta tignasse ébouriffée, à ta chemise en toile à torchon et à ta jupe jaune-serin.