ma douleur trop longtemps contenue le brise ; elle déborde, je ne puis plus la retenir, et tu ne dois pas la voir.
— Ne suis-je pas ta sœur ? dit Yamata doucement. Aurais-tu de l’aversion pour moi que tu ne veux pas me permettre de partager tes chagrins ?
— Mais tu n’as donc rien deviné, s’écria Miodjin, que tu as le cœur de venir ainsi m’insulter par ton bonheur ?
— Mon bonheur ?
— Tu n’as donc pas compris que depuis un an c’est toi que j’avais épousé et que depuis un mois je souffre. »
Yamata poussa un cri sourd et chancela un instant.
« Il m’avait choisie, murmura-t-elle.
— Boïtoro, lui aussi, te voulait pour femme, et il était plus digne que moi de ton affection. J’ai voilé ma pensée pour ne pas attrister sa joie. Laisse-moi pleurer maintenant.
— Hélas ! hélas ! qu’avons-nous fait, Miodjin ? s’écria Yamata en éclatant en sanglots. Moi aussi, depuis un an je pensais à vous, mais ma jeune sœur y pensait aussi, et j’ai caché mes sentiments pour ne pas gêner le sien. »
Les deux jeunes gens, atterrés par cet aveu, se regardèrent longtemps en silence, dans la demi-obscurité, chancelants, étourdis.
« Mon frère, dit bientôt la jeune fille à travers ses larmes, il faut nous résigner, je suis la femme de Boïtoro.