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avait été dorée, mais la dorure s’était un peu ternie dans l’humidité des herbes.

Les deux hommes s’avancèrent dans l’avenue.

Le plus jeune des promeneurs avait à peine vingt ans, mais on lui en eût donné davantage à voir la fière expression de son visage et l’assurance de son regard ; cependant, lorsqu’il riait, il semblait un enfant ; mais il riait peu et une sorte de tristesse hautaine assombrissait son front charmant.

Son costume était très simple sur une robe de crêpe gris, il portait un manteau de satin bleu sans aucune broderie ; il tenait à la main un éventail ouvert.

La toilette de son compagnon était, au contraire, extrêmement recherchée. La robe était faite d’une soie blanche, molle, faiblement teintée de bleu, comme si elle eût gardé un reflet de clair de lune ; elle tombait en plis fins jusqu’aux pieds et était serrée à la taille par une ceinture de velours noir. Celui qui la portait avait vingt-quatre ans ; il était d’une beauté parfaite ; un charme étrange émanait de la pâleur chaude de son visage, de ses yeux d’une douceur moqueuse, et surtout, de la nonchalance méprisante de toute sa personne ; il appuyait sa main sur la riche poignée d’un de ses deux sabres dont les pointes relevaient les plis de son manteau de velours noir, jeté sur ses épaules les manches pendantes.

Les deux promeneurs avaient la tête nue, leurs cheveux, tordus en corde, étaient noués sur le sommet du crâne.

— Mais enfin, où me conduis-tu, gracieux maître ? s’écria tout à coup l’aîné des deux jeunes hommes.

— Voici trois fois que tu me fais cette question depuis le palais, Ivakoura.