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marchands. L’idée que nous aurions peut-être quelqu’un à masser me plongea de nouveau dans un tel accès de gaieté que, malgré mes efforts pour garder mon sérieux, afin de complaire au prince, je fus contraint de m’arrêter et de m’asseoir sur une borne pour me tenir les côtes.

Nagato était furieux.

— Tu vas faire manquer mon mariage, disait-il.

Je me remis en route, clignant des yeux et imitant, autant que possible, la démarche de mes étranges confrères. Ils frappaient le sol de leurs bâtons, chantant, sur l’air connu, leur habilete dans l’art de masser, et, à ce bruit, des gens se penchaient hors des fenêtres et les appelaient. Nous arrivâmes ainsi devant une maison de peu d’apparence ; le bruit des bâtons redoubla d’activité. Une voix demanda deux masseurs.

— Viens, me dit Nagato ; c’est ici. Nous séparant de la bande, nous montâmes quelques marches et nous nous trouvâmes dans la maison. J’aperçus deux femmes, que Nagato salua gauchement, en leur tournant le dos. Je me hâtai de fermer les yeux et de saluer la muraille. Je rouvris un œil, cependant, poussé par la curiosité. Il y avait là une jeune fille et une vieille femme, sa mère sans doute.

— Occupez-vous de nous d’abord, dit-elle, vous masserez mon mari ensuite.

Elle s’accroupit aussitôt à terre et découvrit son dos. Je compris que la vieille me revenait et qu’il fallait décidément faire le métier de masseur. Nagato se confondait en salutations.

— Ah ! ah ! ah ! faisait-il comme font les inférieurs qui saluent un homme de haut rang.

Je commençais à frotter rudement la vieille femme qui poussait des gémissements lamentables. Je faisais tous mes efforts pour contenir le rire qui me montait