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Les pages écartèrent cette draperie le prince s’avança, et les flots frissonnants du satin retombèrent derrière lui.

Les murailles de la salle, où il entra, brillaient sourdement dans le demi-jour ; elles jetaient des éclats d’or, des blancheurs de perles, des reflets pourpres ; un parfum exquis flottait dans l’air. Au fond de la chambre, sous les rideaux relevés par des cordons d’or, la radieuse souveraine était assise, entourée des ondoiements soyeux de ses robes rouges les trois lames d’or, insigne de la toute-puissance, se dressaient sur son front. Le prince l’embrassa d’un regard involontaire, puis, baissant les yeux comme s’il avait regardé le soleil de midi, il s’avança jusqu’au milieu de la chambre, et se jeta à genoux, puis, lentement, il s’affaissa la face contre terre.

— Ivakoura, dit la Kisaki, après un long silence, ce que tu me demandes est grave : je veux quelques explications de ta bouche avant de faire parvenir ta requête au sublime maître du monde, au fils des dieux, mon époux.

Le prince se releva à demi et essaya de parler mais il ne put y réussir ; il croyait que sa poitrine allait se briser sous les battements de son cœur ; la parole expira sur ses lèvres et il demeura, les yeux baissés, pâle comme un mourant.

— Est-ce donc parce que tu me crois irritée contre toi que tu es si fort effrayé ? dit la reine, après avoir un instant considéré le prince avec surprise. Je puis te pardonner, car ton crime est léger, en somme. Tu aimes une de mes filles, voilà tout.

— Non, je ne l’aime pas s’écria Nagato qui, comme s’il eût perdu l’esprit, leva les yeux sur sa souveraine.

— Que m’importe ! dit la Kisaki d’une voix brève.