Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut plus croire à la méchanceté humaine. Cependant, le chemin choisi pour revenir au palais est singulier. « On prendra cette route afin d’éviter la foule, » a dit Hiéyas ; mais il n’y avait qu’a interdire une autre voie au peuple, et le roi eût pu rentrer au château sans faire ce bizarre détour.

Fidé-Yori cherche des yeux Nagato. Il ne peut le découvrir. Depuis le matin il l’a fait demander vingt fois. Le prince est introuvable.

Une angoisse douloureuse envahit le jeune siogoun. Il se demande tout à coup pourquoi son cortège est si restreint, pourquoi il n’est précédé que de deux coureurs il regarde derrière lui, et il lui semble que les porteurs de norimonos ralentissent le pas.

On atteint le faîte de la colline, et bientôt le pont de l’Hirondelle apparaît au bout du chemin. En l’apercevant, Fidé-Yori, par un mouvement involontaire, retient son cheval ; un battement précipité agite son cœur. Ce pont frêle est audacieusement jeté d’une colline à l’autre sur le val très profond. La rivière, rapide comme un torrent, bondit sur des roches avec un bruit sourd et continu. Cependant le pont semble comme de coutume s’appuyer fermement sur les roches plates qui se projettent au-dessous de lui.

Les coureurs avancent d’un pas ferme. Si le complot existe, ceux-là ne le connaissent point. Le jeune roi n’ose pas s’arrêter ; il croit entendre encore les paroles de Nagato :

« Marche sans crainte vers le pont. »

Mais la voix suppliante d’Omiti vibre aussi, à son oreille, il se souvient du serment qu’il a prononcé. Le silence de Nagato surtout l’épouvante. Que de choses ont pu entraver le projet du prince ! Entouré d’espions habiles qui surveillent ses moindres actions, il a peut--