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— Oui, mais comment toucher à un cadavre sans nous rendre impurs ?

— Nous nous purifierons d’après les lois prescrites, cela vaut mieux que de nous laisser condamner à avoir la tête coupée.

— C’est vrai. Hâtons-nous. Pauvre enfant ! c’est dommage, ajouta le soldat en se penchant vers Omiti ; mais aussi c’est sa faute, pourquoi est-elle morte comme cela ?

Au moment où ils allaient la soulever, pour la porter vers le fleuve, une voix jeune et claire éclata qui chantait une chanson :

« Y a-t-il au monde quelque chose de plus précieux que le saké ?

« Si je n’étais un homme je voudrais être un tonnelet ! »

Les soldats se relevèrent vivement. Un jeune garçon s’avançait bien enveloppé dans une robe garnie de fourrures, la tête enfouie dans un capuchon noué sous le menton. Il appuyait fièrement sa main gantée de velours sur les poignées de ses sabres.

C’était Loo qui revenait d’une fête nocturne, seul et à pied afin de ne pas être dénoncé, par les gens de sa suite, au prince de Nagato, car Loo avait une suite depuis qu’il était samouraï.

— Que se passe-t-il ? qui est cette femme étendue sur la neige sans mouvement ? s’écria-t-il en promenant un regard terrible de l’un à l’autre soldat.

Les soldats tombèrent à genoux.

— Seigneur, dirent-ils, nous ne sommes pas coupables, elle voulait entrer au château pour parler au siogoun ; touchés de ses prières nous allions la laisser passer et la faire conduire à l’illustre prince de Nagato, lorsque tout à coup elle est tombée morte.