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les souverains du Japon, je ne peux comprendre cette décision, disait quelqu’un.

— Cela ne s’est jamais vu, disait un autre, même lorsqu’il s’agissait de simples samouraïs comme nous.

— Il veut envoyer la tête du prince de Nagato à Hiéyas.

— Lorsque le prince se serait fait justice lui-même on pouvait trancher la tête au cadavre, secrètement, sans déshonneur pour la mémoire du noble condamné.

— Le seigneur de Toza a sans doute un motif de haine contre Nagato.

— N’importe ! la haine n’excuse pas l’injustice.

Lorsque l’heure de l’exécution fut arrivée, on vint relever les stores dans le palais de Fatkoura.

La jeune femme éperdue s’enfuit au fond de l’appartement ; elle alla cacher sa tête dans les plis d’une draperie de satin pour être aveugle et sourde, pour étouffer l’éclat de ses sanglots.

Mais tout à coup elle se releva et essuya ses yeux.

— Viens, Tika, s’écria-t-elle, ce n’est pas ainsi que doit se conduire l’épouse d’Ivakoura, je saurai enfermer ma douleur en moi-même, aide-moi à gagner cette fenêtre.

Lorsqu’elle parut appuyée sur Tika, un grand silence s’établit parmi les assistants, silence plein de respect et de compassion.

Le prince de Toza arriva en même temps, il leva les yeux vers elle, mais elle laissa tomber sur lui un regard si chargé de haine et de mépris qu’il baissa la tête.

Il vint s’asseoir sur le pliant, et fit signe d’amener le prisonnier.

Il s’avança bientôt, nonchalamment, avec un sourire