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— Mais tu ne m’as rien répondu, gloire de mes yeux !

— Eh bien c’est une surprise que je veux te faire. Ferme les yeux et donne-moi ta main.

Ivakoura obéit, et son compagnon lui fit faire quelques pas dans l’herbe.

— Regarde à présent, dit-il.

Ivakoura ouvrit les yeux et laissa échapper un faible cri d’étonnement.

Devant lui s’épanouissait un bois de citronniers tout en fleur. Chaque arbre, chaque arbuste semblaient couverts de givre ; sur les plus hautes tiges, le jour naissant jetait des tons de rose et d’or. Toutes les branches ployaient sous leur charge parfumée, les grappes fleuries s’écroulaient jusqu’au sol, sur lequel traînaient quelques rameaux trop lourds.

Parmi cette blanche floraison d’où émanait une fraîcheur délicieuse, un tendre feuillage apparaissait çà et là par brindilles.

Vois, dit le plus jeune homme, avec un sourire, j’ai voulu partager avec toi, mon préféré, le plaisir de voir avant tout autre cette éclosion merveilleuse. Hier, je suis venu, le bois était comme un buisson de perles ; aujourd’hui, toutes les fleurs sont ouvertes.

— Je songe, en voyant ce bois, à un distique du poète des fleurs de pêcher, dit Ivakoura « Il a neigé sur cet arbre des ailes de papillons qui, en traversant le ciel matinal, se sont teintes de rose. »

— Ah s’écria le plus jeune homme en soupirant, je voudrais me plonger au milieu de ces fleurs comme dans un bain et m’enivrer jusqu’à mourir de leur parfum violent !

Ivakoura, après avoir admiré, faisait une mine un peu désappointée.