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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

C’est ainsi qu’il procède à l’égard de toutes les autres laisses. Il change entièrement le système des assonances pour les strophes iv, vii, x, xii, qui lui paraissent absolument intransformables. Il se contente, aux couplets iii, v, vi, viii, ix et xi, de perfectionner l’assonance et de la transformer en rime rigoureuse, ou, comme on le disait alors, léonine. Et tel est son premier travail, qui maintenant est nettement défini. Il porte sur des couplets entiers et consiste « à en changer toutes les assonances, tantôt en les remplaçant par un système de rimes toutes nouvelles, tantôt en conservant la voyelle sonore qui reliait entre elles les assonances de toute une laisse antique, mais en faisant désormais suivre cette voyelle par la même consonne[1]. » Cette besogne ne laisse pas d’être quelquefois ennuyeuse. Aussi notre rajeunisseur n’est-il pas médiocrement impatienté. Son mécontentement va en grandissant ; il éclate aux couplets lxxvii et lxxviii[2]. Là il se trouve en présence d’assonances difficiles : « Bah ! dit-il, je m’en vais

  1. Nous ferons mieux saisir ce que nous venons d’exposer en citant, comparativement et en détail, les assonances des premiers couplets d’Oxford et les rimes des premières laisses de Versailles. La première strophe d’Oxford était en an féminin (aindre, eimet, agne, aigne) : le remanieur a choisi cette dernière assonance, et tous ses vers se terminent en aigne. La seconde tirade était en u féminin dans la version primitive (uge, umbre, ulchet) ; le rajeunisseur n’a pas voulu de cette assonance très-difficile et, comme nous l’avons dit, a pris le parti d’adopter la rime si commode en er. Mais, par malheur, dans la rédaction de la Bodléienne, la troisième laisse était en er, en, et, etc. Qu’à cela ne tienne : le rédacteur du remaniement a rimé son troisième couplet en ier. Au lieu de l’assonance en e féminin de la quatrième strophe d’Oxford (estre, elet, ere), il a choisi la rime en ez. Il s’affectionne d’ailleurs à ces rimes aisées. Il rime en er son cinquième et en ez son sixième couplet, qui, dans Oxford, étaient, l’un en et, eu, er, ez, et l’autre en ei, eill. L’assonance de la septième strophe, qui, dans la première version, était en i féminin (il(i)es, mises, etc.), est devenue dans la rédaction remaniée, une rime en ois. Au lieu des assonances en ent, er, ien, iers (8e strophe du texte original), en er, ed, eu (9e couplet), en in, is, ir, if (10e), en er, ef, et (11e) en ir, il, in, is (12e), en age, arles, etc (13e), en ie, ire, imes (14e) et en un, unc, um (15e), le rajeunisseur a successivement adopté les rimes en ier, er, a, er, iz, ez, ie et on. Il est inutile de pousser plus loin ce parallèle.
  2. Il n’a changé au second que deux assonances par trop « scandaleuses » ; au lieu de suffraite, il a écrit soferte, et perte au lieu de perdre.