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LA CHANSON DE ROLAND


CCLXII


Il frappe bien, le roi Charlemagne ;
Ils frappent bien, le duc Naimes et Ogier le Danois ;
Il frappe bien, Geoffroi d’Anjou, qui porte l’enseigne royale ;
Mais quelle prouesse surtout que celle de monseigneur Ogier !
Il pique son cheval, lui lâche les rênes,
Et se jette sur le païen qui tient le dragon :
Si bien que sur place il écrase à la fois
Le dragon et l’enseigne de l’Émir.
Baligant voit ainsi tomber son gonfanon ;
Il voit l’étendard de Mahomet rester sans défense.
L’Émir commence à s’apercevoir
Que le droit est du côté de Charles, que le tort est de son côté.
Et déjà voici les païens qui montrent moins d’ardeur.
Et l’Empereur d’appeler ses Français :
« Dites, barons, pour Dieu, m’aiderez-vous ?
« — Le demander serait une injure, répondent-ils.
« Maudit soit qui ne frappe de tout cœur ! »


CCLXIII


Le jour passe, la vêprée s’avance ;
Païens et Francs frappent de leurs épées.
Ceux qui rassemblèrent ces deux armées, Charles et Baligant, sont des vaillants.
Toutefois ils n’oublient pas leurs cris d’armes.
« Précieuse ! » crie l’Émir.
« Montjoie ! » répète l’Empereur.
Ils se reconnaissent l’un l’autre à leurs voix claires et hautes ;
Au milieu même du champ de bataille tous deux se rencontrent.
Ils se jettent l’un sur l’autre, et s’entre-donnent de grands coups.