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EUGÈNE DELACROIX




I


À présent que le calme se fait autour de ce grand nom — un de ceux que la prospérité n’oubliera pas, — on ne saurait imaginer au milieu de quel tumulte, dans quelle ardente poussière de combat il a vécu. Chacune de ses œuvres soulevait des clameurs assourdissantes, des orages, des discussions furieuses. On invectivait l’artiste avec des injures telles qu’on ne, les eût pas adressées plus grossières ni plus ignominieuses à un voleur ou à un assassin. Toute urbanité critique avait cessé pour lui, et l’on empruntait, quand on était à court, des épithètes au Catéchisme poissard. C’était un sauvage, un barbare, un maniaque, un enragé, un fou qu’il fallait renvoyer à son lieu de naissance, Charenton. Il avait le goût du laid, de l’ignoble, du monstrueux ; et puis il ne savait pas dessiner, il