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FÉLICIEN MALLEFILLE


NÉ EN 1813. — MORT EN 1868




À ceux-ci les chemins de fleurs, à ceux-là les chemins de ronces. Celui de Mallefille fut âpre et rude, et il le gravit avec un invincible courage, l’œil toujours levé vers les hautes cimes, sans tenir compte des pierres, des épines ou des précipices. Nul n’a porté la mauvaise fortune avec plus de grandesse et de fierté espagnole. C’était un vrai hidalgo de lettres. Sa tête fine et maigre, au nez busqué, aux cheveux déjà argentés sur les tempes, avait un caractère héroïque et rappelait celle de Miguel Cervantes de Saavedra. Nous ne voulons pas exagérer le talent de Félicien Mallefille parce qu’il est mort. Son ambition fut plus haute que son vol. C’était un aigle sans doute, et qui avait toujours l’œil fixé sur le soleil, mais son essor était parfois inégal, pénible ; il manquait quelques plumes à cette grande aile fiévreusement palpitante. La nature les lui avait-elle refusées ou avaient-elles été coupées par quelque balle jalouse, tandis qu’il cherchait sa route vers l’idéal ?