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DÉCORATIONS DE STRADELLA.

devant laquelle se jouent les premières scènes du cinquième acte. Elle se déchire bientôt comme un nuage qui cache le soleil et laisse apercevoir le merveilleux spectacle qu’elle faisait espérer ; car elle était assombrie, négligée, écaillée à dessein pour faire mieux ressortir la splendeur de la seconde décoration. C’est Venise vue du quai des Esclavons. D’un côté, vous avez le palais ducal avec ses piliers trapus, ses frêles colonnettes, ses ogives et ses trèfles mauresques les deux colonnes qui portent le lion de Saint-Marc et le San Teodoro ; la bibliothèque du Sansovino, dont la frise est toute peuplée de statues des édifices à perte de vue. De l’autre, le Dogana, la Zuecca, le dôme blanc de Saint-Georges-le-Majeur, la mer verte sillonnée de felouques, de gondoles, d’yoles et d’embarcations de toute espèce ; et dans tout cela un air, un soleil, une chaleur et une étendue admirables. Il était difficile de faire nager le Bucentaure dans une eau plus limpide et de rendre Venise plus belle pour le mariage de son doge. Seulement, il est malheureux que MM.  Feuchères, Séchan, Desplechin et Diéterle, qui ont marié le doge à la mer d’une façon si éclatante, soient obligés de faire divorce avec l’Opéra.

(La Charte de 1830, 19 mars 1837.)