Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
DÉCORATIONS DE STRADELLA.

fureur au lever du rideau, nous montre la campagne de Rome. Le plancher du théâtre est complètement défoncé à l’exception du premier plan.

La droite du théâtre est occupée par une fabrique d’un effet très pittoresque ; la gauche par des pins, des picéas, des chênes verts et tous ces arbres à sombre et forte verdure des pays chauds un chemin creux s’enfonce à travers la campagne, qui s’étend au loin, flamboyante et fauve comme une peau de panthère ; des plaques de soleil étincellent vivement sur le sol crayeux qu’il traverse et lui donnent un air merveilleusement aride ; des ruines d’anciennes constructions romaines en briques rouges, toutes hérissées de lentisques et d’aloès, par leur ton austère et vigoureux, repoussent et font fuir à cent lieues les derniers plans. L’ombre de ces petites collines rugueuses, dont la campagne romaine est bossuée, qui s’allonge, bleuâtre, sur les tons dorés de la plaine, parsemée çà et là de quelques figuiers sauvages, de quelques lièges au feuillage brûlé, est admirablement rendue ; cette ardeur de la lumière et cette fraîcheur de l’ombre prêtent aux lointains, dans les climats méridionaux, une teinte de gorge de pigeon, une apparence de velours épinglé d’une richesse singulière. Tout au fond, l’on voit se dessiner, avec cette foudroyante blancheur italienne, la silhouette de la ville éternelle et la ronde coupole de Saint-Pierre de Rome ; et plus loin, par derrière les crêtes bleuâtres de la