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FUSAINS ET EAUX-FORTES

reux ; il a cru qu’il suffisait d’exagérer certains détails pour arriver au but ; ce n’est plus un portrait, c’est ce qu’on appelle en argot d’atelier une charge. D’ailleurs, le haut de la figure est tellement déprimé (à l’opposé du portrait de Goethe, où le front surplombe), qu’anatomiquement parlant, un personnage constitué ainsi ne pourrait vivre.

Voici un nouvel essai de M. Jehan Duseigneur, auteur de Roland furieux, d’un Napoléon refusé et qui, certes, valait mieux que celui de Seurre, ridiculement étayé d’un aigle ou d’une bûche, je ne sais trop lequel ; voyons s’il a mieux réussi.

Son buste est d’une belle proportion, un tiers plus grand que nature ; le masque a de la bonhomie et du repos ; on voit bien là l’homme qui a confiance en sa force et qui poursuit majestueusement sa haute mission, l’homme dont la devise littéraire est hierro, et qui n’en est pas moins doux à l’usage et simple dans sa vie ordinaire, comme s’il n’était pas lui. M. Duseigneur a très heureusement, selon nous, fondu le poète avec l’homme, chose que l’on néglige trop souvent dans les portraits de célébrités à qui l’on donne presque toujours un air de dithyrambe et de smorfia méditative, on ne peut plus ridicule chez nous, où le poète est citoyen, comme dit Sainte-Beuve.

Le front, un des plus beaux laboratoires à pensées qui soient au monde contemporain, est étudié avec