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AU BORD DE L’OCÉAN.

de rapport avec les pluies d’étincelles diamantées dont les peintres paillètent leurs marines. L’étendue de la mer, dont les vagues moutonnaient sous le vent, présentait l’aspect d’un tapis de billard sur lequel on aurait cardé un matelas ; des schooners, des koffs et des bateaux de pêche, qui profitaient de la marée pour rentrer au port, se dandinaient disgracieusement sur la crête des houles et rappelaient d’une manière désagréable les petits vaisseaux de carton que l’on met sur les pendules et à qui le baiancier donne un mouvement d’oscillation. Je me croyais au spectacle mécanique de M. Pierre, et j’attendais à toute minute que le monsieur au canard vint tirer son coup de fusil mon espoir fut trompé.

Je n’ai jamais rien vu de ma vie de plus faux, de plus sec, de plus sale, de plus froid et de plus gris de ton que cet Océan tant vanté. Cela avait l’air d’une peinture exécrable, exécutée par un vitrier. Toutes ces mauvaises vagues bossues, mamelonnées, avec leur petit toupet de laine blanche sur la tête, sont du plus piètre effet, et les vaisseaux ont l’air de boutiques d’épicerie à la porte desquelles on ferait sécher des draps et des vieilles chemises.

Voici mon avis tout franc, et je suis fâché qu’il fasse dissonance avec le concerto d’admiration océanique. Ce n’est pas ma faute, je réponds de l’exactitude de ma description. Outre cette pauvreté pittoresque, l’Océan me sembla d’une dimension tout à