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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

médies en prose de M. Alfred de Musset ont tout le laisser-aller, toute l’élégance insolente et le caprice spirituel des Contes d’Espagne et d’Italie. On pourrait pousser ce rapprochement beaucoup plus loin et citer bien d’autres noms mais je pense que ceux-ci suffisent, et de reste.

Quand même de la belle prose vaudrait de beaux vers, ce que je nie, le mérite de la difficulté vaincue doit-il être compté pour rien ? Je sais que beaucoup de gens disent que la difficulté ne fait rien à la chose ; cependant qu’est-ce que l’art, sinon le moyen de surmonter les obstacles que la nature oppose à la cristallisation de la pensée, et si cela était facile, où seraient donc le mérite et la gloire ? Nous réclamons donc pour le poète le trône le plus élevé dans l’Olympe des supériorités de la pensée humaine ; le poète absolu et arrivé au degré le plus inaccessible de perfection serait aussi grand que Dieu, et Dieu n’est peut-être que le premier poète du monde.

(La Charte de 1830, 16 janvier 1837.)