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pourront être surpris de la tournure et du style de certains de ces costumes, différents, sur bien des points, des idées que nous nous sommes faites à cet endroit. L’Orient n’est pas, à beaucoup près, aussi immuable qu’on veut bien le croire. Constantinople a ses modes comme Paris. Dans l’oisiveté du harem, l’imagination des femmes travaille ; à quoi peut penser une femme qui rêve, française ou turque ? A sa toilette. Ces rêveries se traduisent en toutes sortes de caprices de coupe, de couleur, gracieux, charmants ou bizarres, que le crayon de l’artiste a saisis avec bonheur. Son recueil vous les montrera, l’été, se répandant sous les ombrages, dans les jardins, dans les kiosques au bord du Bosphore, assises sur des tapis, à l’ombre des gigantesques platanes ou des cyprès verts et robustes qui couronnent les hauteurs où s’assied magnifiquement le faubourg de Péra, savourant la fraîcheur des brises qui viennent de la mer Noire ; l’hiver, à demi couchées autour du Tendour, se livrant à des causeries familières, écoutant des récits merveilleux, sous le double charme de la vapeur du tombach et du parfum des cassolettes.

Toutes ces beautés ont été rendues par M. Rogier avec une grâce et une délicatesse qui n’excluent pas la science et la largeur de l’effet. Ne voyez pas ici de frivoles croquis, où l’art est sacrifié à une vaine élégance ; c’est une œuvre sévèrement conçue, exécutée