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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

airs penchés, un pied avancé et retiré, joyeusement scandé par le cliquetis des castagnettes et qui en dit plus à lui tout seul que bien des volumes de poésies érotiques.

Il y a une posture d’une grâce ravissante ; c’est l’instant où la danseuse, à demi agenouillée, fièrement cambrés sur les reins, la tête penchée en arrière, ses beaux cheveux noirs, où s’épanouit une large rose, à moitié défaits, les bras étendus et pâmés et n’agitant plus que faiblement les castagnettes, sourit par-dessus l’épaule à son amant qui s’avance vers elle pour lui prendre un baiser. On ne saurait imaginer un groupe d’un plus joli dessin il n’y a rien là de la grâce bête et fade de l’opéracomique. Le cavalier a dans ses mouvements une facilité, une désinvolture alerte et fière il est souple, précis, onduleux et vif comme un jeune jaguar. La femme est jeune, légère, franche dans ses poses dessinant la tournure de ses attitudes avec une netteté admirable, ne plaçant qu’à propos son étincetant sourire, ne soulevant guère au-dessus du genou les plis pailletés de sa basquine et ne se livrant jamais à ces affreux écarts de jambe qui font ressembler une femme à un compas forcé.

Il est singulier qu’on n’ait pas engagé ce joli couple à l’Opéra ; il eût été bien facile de trouver à l’employer. Ces danses nationales, d’un caractère si original, eussent merveilleusement varié le répertoire choré-