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de Voltaire et de Rousseau en biscuit ornaient la cheminée, conjointement avec une paire de flambeaux de cuivre doré garnis de bougies, et une pendule dont le sujet était le Temps faisant passer l’Amour, ou l’Amour faisant passer le Temps, je ne sais trop lequel.

Le portrait de M. V*** à l’huile et celui de madame sa femme (heureusement trépassée), en grande toilette de 1810, faisaient de ce salon l’endroit le plus splendide de l’appartement, et Césarine elle-même, troublée de tant de magnificence, ne le traversait qu’avec un certain respect intérieur, quoique depuis longtemps elle dût être familiarisée avec ses splendeurs.

La duègne pria les deux visiteuses d’avoir la bonté d’attendre quelques minutes, et qu’elle allait prévenir monsieur, qui était enfermé dans son cabinet, occupé, selon son habitude, de recherches savantes.

Il était debout devant la cheminée, dans l’attitude de la plus véhémente contemplation ; il tenait entre le pouce et l’index un petit morceau d’échaudé dont il faisait tomber de temps en temps quelques miettes dans un bocal rempli d’une eau claire et diamantée, où se jouaient trois poissons rouges. Le fond du vase était garni de sable fin et de coquilles.

Un rayon de jour traversait ce globe cristallin, que les mouvements des trois poissons nuançaient de teintes enflammées et changeantes