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Avec sa peau légèrement surprise par les baisers de l’air, ses cheveux pâles allongés par l’humidité, pleurant sur son dos et ses épaules, et son visage doucement rosé de la moite vapeur du bain, elle avait l’air d’une sylphide sortant, au premier rayon de lune, du cœur de la campanule qui lui a servi de refuge pendant le jour.

Les servantes accoururent, épongèrent sur son corps les derniers pleurs de la naïade, l’enveloppèrent précieusement dans un large peignoir de cachemire, sur lequel on jeta un grand châle turc, lui mirent aux pieds d’élégantes pantoufles fourrées en duvet de cygne, et Musidora, appuyée sur l’épaule de la camériste Jacinthe, passa dans son cabinet de toilette avec son amie Arabelle.

On la peigna, on la parfuma, on lui mit une chemise garnie d’une admirable valenciennes, on la chaussa, on lui passa pièce à pièce tous ses vêtements sans qu’elle s’aidât le moins du monde ; mais, lorsque les femmes de chambre eurent fini, elle se leva, se plaça debout devant la glace de la psyché, et, comme un maître qui pose çà et là quelques touches sur l’ouvrage exécuté d’après ses dessins par un de ses élèves, elle dénoua un bout de ruban, fit prendre une autre forme à un pli, passa ses doigts effilés dans les touffes de ses cheveux pour en déranger la trop exacte symétrie, et donna de l’accent, de la vie et une tournure poétique à l’œuvre morte de ses femmes.