Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grimoire. N’est-ce pas la plus sanglante dérision du monde ?

― Ne pourrait-on pas voir le portefeuille ? dit l’Arabelle.

― Oh ! mon Dieu si ; je l’ai jeté de colère au milieu de ma chambre. Jacinthe, va le chercher. »

Jacinthe revint avec l’hiéroglyphique portefeuille.

L’Arabelle le flaira, le retourna, le visita dans les plus intimes recoins et n’y put rien découvrir de neuf ; elle resta pensive quelques instants, le tenant toujours entre ses blanches Mains, et, après une pause :

« Musidora, dit-elle, il me vient une idée : ces papiers doivent être écrits dans une langue quelconque ; il faut aller au Collège de France : il y a là des professeurs pour toutes les langues qui n’existent pas ; nous trouverons bien parmi ces messieurs, qu’on dit si savants, l’explication de l’énigme.

― Jacinthe ! Marie ! Annette ! venez vite me tirer de cette cuve où je moisis depuis une mortelle heure ; il me pousse déjà des lentilles d’eau sur les bras, et mes cheveux deviennent glauques comme ceux d’une nymphe marine, » dit la Musidora en se dressant tout debout dans sa baignoire. ― Les gouttes d’eau étincelantes suspendus à son corps lui faisaient comme un réseau de perles. Elle était charmante ainsi. ―