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sitôt, soulevant un tapis de Perse ramagé de fleurs, parurent quatre monstres, basanés, vêtus de robes rayées de zébrures diagonales, qui laissaient voir des bras musclés et noueux comme des troncs de chêne ; leurs grosses lèvres bouffies, les anneaux d’or qui traversaient la cloison de leurs narines, leurs dents aiguës comme celles des loups, l’expression de servilité stupide de leur physionomie, les rendaient hideux à voir.

La reine prononça quelques mots dans une langue inconnue à Gygès, ― en bactrien, sans doute, ― et les quatre esclaves s’élancèrent sur le jeune homme, le saisirent et l’emportèrent, comme une nourrice un petit enfant dans le pan de sa robe.

Maintenant, quelle était la vraie pensée de Nyssia ? Avait-elle, en effet, remarqué Gygès dans sa rencontre avec lui auprès de Bactres, et gardé du jeune capitaine quelque souvenir dans un de ces recoins secrets de l’âme où les plus honnêtes femmes ont toujours quelque chose d’enfoui ? Le désir de venger sa pudeur était-il aiguillonné par quelque autre désir inavoué, et, si Gygès n’avait pas été le plus beau jeune homme de l’Asie, aurait-elle mis la même ardeur à punir Candaule d’avoir outragé la sainteté du mariage ? C’est une question délicate à résoudre, surtout à près de trois mille ans de distance, et, quoique nous ayons consulté Hérodote, Éphestion, Platon, Dosithée, Archiloque