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et feignit de s’endormir pour éviter de répondre aux questions des autres gardes.

Si la nuit fut terrible pour Gygès, elle ne le fut pas moins pour Nyssia, car elle ne douta pas un instant qu’il n’eût été caché là par Candaule. L’insistance avec laquelle le roi lui avait demandé de ne pas voiler si sévèrement un visage fait par les dieux pour l’admiration des hommes ; le dépit qu’il avait conçu de ses refus de paraître vêtue à la grecque dans les sacrifices et les solennités publiques ; les railleries qu’il ne lui avait point épargnées sur ce qu’il appelait sa sauvagerie barbare, tout lui démontrait que le jeune Héraclide, insouciant de la pudeur comme un statuaire d’Athènes ou de Corinthe, avait voulu admettre quelqu’un dans ces mystères que tous doivent ignorer, car nul n’eût été assez audacieux pour se risquer, sans être favorisé par lui, dans une telle entreprise, dont une prompte mort eût puni la découverte.

Que les heures noires passèrent lentement pour elle ! avec quelle anxiété elle attendit que le matin vînt mêler ses teintes bleuâtres aux jaunes reflets de la lampe presque épuisée ! Il lui semblait que jamais Apollon ne dût remonter sur son char, et qu’une main invisible retînt en l’air la poudre du sablier. Cette nuit, aussi courte qu’une autre, lui parut avoir six mois, comme les nuits cimmériennes.

Tant qu’elle dura, elle se tint blottie, immo-