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CHAPITRE III


Le jour suivant, Candaule, prenant Gygès à part, continua l’entretien commencé sous le portique des Héraclides. Délivré de l’embarras d’entrer en matière, il s’ouvrit sans réserve à son confident, et, si Nyssia avait pu l’entendre, peut-être lui eût-elle pardonné ses indiscrétions conjugales en faveur des éloges passionnés qu’il accordait à ses charmes.

Gygès écoutait toutes ces louanges avec l’air un peu contraint d’un homme qui ne sait pas encore si son interlocuteur ne feint pas un enthousiasme plus vif qu’il ne l’éprouve réellement, afin de provoquer une confiance lente à se décider. Aussi Candaule lui dit, d’un ton dépité : « Je vois, Gygès, que tu ne me crois pas. Tu penses que je me vante ou que je me suis laissé fasciner comme un épais laboureur par quelque robuste campagnarde à laquelle Hygie a écrasé sur les joues les grossières couleurs de la santé ; non, de par tous les dieux ! ― j’ai réuni chez moi, comme un bouquet vivant, les plus belles fleurs de l’Asie et de la Grèce ; de-