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le gazon tout piqué de fleurs, comme de sveltes levrettes blanches sur un tapis de salon : c’étaient de charmantes figures de femme, le nez droit, le front uni, la bouche petite, les bras délicatement potelés, la gorge ronde et pure, avec des boucles d’oreilles, des colliers et des ajustements d’un caprice adorable, se bifurquant en queue de poisson comme la femme dont parle Horace, se déployant en aile d’oiseau, s’arrondissant en croupe de lionne, se contournant en volute de feuillage, selon la fantaisie de l’artiste ou les convenances de la position architecturale : — une double rangée de ces délicieux monstres bordait l’allée qui conduisait du palais à la salle.

Au bout de cette allée, on trouvait un large bassin avec quatre escaliers de porphyre ; à travers la transparence de l’eau diamantée on voyait les marches descendre jusqu’au fond sablé de poudre d’or ; des femmes terminées en gaine comme des cariatides faisaient jaillir de leurs mamelles un filet d’eau parfumée qui retombait dans le bassin en rosée d’argent, et picotait le clair miroir de ses gouttelettes grésillantes. Outre cet emploi, ces cariatides avaient encore celui de porter sur leur tête un entablement orné de néréides et de tritons en bas-relief et muni d’un anneau de bronze pour attacher les cordes de soie du velarium. Au delà du portique l’on apercevait des verdures humides et bleuâtres, des fraîcheurs ombreuses, un morceau de