Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avoir la main légère ; les épingles d’or de la toilette pourraient bien avoir pour pelote la gorge de la friseuse maladroite, et l’épileuse risque fort de se faire pendre au plafond par les pieds.

« Qui peut avoir eu l’audace de lancer cette déclaration emmanchée dans une flèche ? Est-ce le nomarque Amoun-Ra qui se croit plus beau que l’Apollon des Grecs ? qu’en penses-tu, Charmion ? ou bien Chéapsiro, le commandant de l’Hermothybie, si fier de ses combats au pays de Kousch ? Ne serait-ce pas plutôt le jeune Sextus, ce débauché romain, qui met du rouge, grasseye en parlant et porte des manches à la persique ?

— Reine, ce n’est aucun de ceux-là ; quoique vous soyez la plus belle du monde, ces gens-là vous flattent et ne vous aiment pas. Le nomarque Amoun-Ra s’est choisi une idole à qui il sera toujours fidèle, et c’est sa propre personne ; le guerrier Chéapsiro ne pense qu’à raconter ses batailles ; quant à Sextus, il est si sérieusement occupé de la composition d’un nouveau cosmétique, qu’il ne peut songer à rien autre chose. D’ailleurs, il a reçu des surtouts de Laconie, des tuniques jaunes brochées d’or et des enfants asiatiques qui l’absorbent tout entier. Aucun de ces beaux seigneurs ne risquerait son cou dans une entreprise si hardie et si périlleuse ; ils ne vous aiment pas assez pour cela.

« Vous disiez hier dans votre cange que les yeux éblouis n’osaient s’élever jusqu’à vous, que