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courtisane n’a pas d’enfants, pas de parents, pas d’amis, rien qui se rattache à elle, et il faut en quelque sorte qu’elle se ferme les yeux à elle-même.

Demander la chaîne de Bacchide, c’était demander quelque chose d’aussi impossible que d’apporter la mer dans un crible ; autant eût valu exiger une pomme d’or du jardin des Hespérides. La vindicative Plangon le savait bien ; comment, en effet, penser que Bacchide pût se dessaisir, en faveur d’une rivale, du fruit des épargnes de toute sa vie, de son trésor unique, de sa seule ressource pour les temps contraires ? Aussi était-ce bien un congé définitif que Plangon avait donné à notre enfant, et comptait-elle bien ne le revoir jamais.

Cependant Ctésias ne se consolait pas de la perte de Plangon. Toutes ses tentatives pour la rejoindre et lui parler avaient été inutiles, et il ne pouvait s’empêcher d’errer comme une ombre autour de la maison, malgré les quolibets dont les esclaves l’accablaient et les amphores d’eau sale qu’ils lui versaient sur la tête en manière de dérision.

Enfin il résolut de tenter un effort suprême ; il descendit vers le Pirée et vit une trirème qui appareillait pour Samos ; il appela le patron et lui demanda s’il ne pouvait le prendre à son bord. Le patron, touché de sa bonne mine et encore plus des trois pièces d’or qu’il lui glissa