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de cette profanation, et ne lui infligea pas le châtiment qu’elle eût attiré de la part de toute autre divinité plus sévère.

Toutes les nuits Ctésias allait pleurer sur le seuil de Plangon, comme un chien fidèle qui a commis quelque faute et que le maître a chassé du logis et qui voudrait y rentrer ; il baisait cette dalle où Plangon avait posé son pied charmant. Il parlait à la porte et lui tenait les plus tendres discours pour l’attendrir ; — éloquence perdue : la porte était sourde et muette.

Enfin il parvint à corrompre un des portiers et à s’introduire dans la maison ; il courut à la chambre de Plangon, qu’il trouva étendue sur son lit de repos, le visage mat et blanc, les bras morts et pendants, dans une attitude de découragement complet.

Cela lui donna quelque espoir ; il se dit : « Elle souffre, elle m’aime donc encore ? » Il s’avança vers elle et s’agenouilla à côté du lit. Plangon, qui ne l’avait pas entendu entrer, fit un geste de brusque surprise en le voyant, et se leva à demi comme pour sortir ; mais, ses forces la trahissant, elle se recoucha, ferma les yeux et ne donna plus signe d’existence.

« Ô ma vie ! ô mes belles amours ! que vous ai-je donc fait pour que vous me repoussiez ainsi ? » Et en disant cela Ctésias baisait ses bras froids et ses belles mains, qu’il inondait de tièdes larmes. Plangon le laissait faire, comme si elle