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le soleil de son ciel ; tout autour d’elle lui semblait mort et obscur. Elle s’était informée de Bacchide, et elle avait appris que Ctésias l’avait aimée, éperdument aimée, pendant l’année qu’il était resté à Samos.

Elle croyait être la première aimée de Ctésias et avoir été son initiatrice aux doux mystères. Ce qui l’avait charmée dans cet enfant, c’étaient son innocence et sa pureté ; elle retrouvait en lui la virginale candeur qu’elle n’avait plus. Il était pour elle quelque chose de séparé, de chaste et de saint, un autel inconnu où elle répandait les parfums de son âme. Un mot avait détruit cette joie ; le charme était rompu, cela devenait un amour comme tous les autres, un amour vulgaire et banal ; ces charmants propos, ces divines et pudiques caresses qu’elle croyait inventées pour elle, tout cela avait déjà servi pour une autre ; ce n’était qu’un écho sans doute affaibli d’autres discours de même sorte, un manège convenu, un rôle de perroquet appris par cœur. Plangon était tombée du haut de la seule illusion qu’elle eût jamais eue, et comme une statue que l’on pousse du haut d’une colonne, elle s’était brisée dans sa chute. Dans sa colère elle avait mutilé une délicieuse figure d’Aphrodite, à qui elle avait fait bâtir un petit temple de marbre blanc au fond de son jardin, en souvenir de ses belles amours ; mais la déesse, touchée de son désespoir, ne lui en voulut pas