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Ce fut le chant du cygne, un chant merveilleux tout trempé de pleurs, montant jusqu’aux sommités les plus inaccessibles de la gamme, et redescendant l’échelle des notes jusqu’au dernier degré ; quelque chose d’étincelant et d’inouï, un déluge de trilles, une pluie embrasée de traits chromatiques, un feu d’artifice musical impossible à décrire ; mais cependant la petite tache rouge s’agrandissait singulièrement et leur couvrait presque toutes les joues. Les trois rossignols les regardaient et les écoutaient avec une singulière anxiété ; ils palpitaient des ailes, ils allaient et venaient, et ne se pouvaient tenir en place. Enfin, elles arrivèrent à la dernière phrase du morceau ; leur voix prit un caractère de sonorité si étrange, qu’il était facile de comprendre que ce n’étaient plus des créatures vivantes qui chantaient. Les rossignols avaient pris la volée. Les deux cousines étaient mortes ; leurs âmes étaient parties avec la dernière note. Les rossignols montèrent droit au ciel pour porter ce chant suprême au bon Dieu, qui les garda tous dans son paradis pour lui exécuter la musique des deux cousines.

Le bon Dieu fit plus tard, avec ces trois rossignols, les âmes de Palestrina, de Cimarosa et du chevalier Gluck.