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brodaient des points d’orgue : de véritables musiciens n’auraient pas si bien fait.

Mais dans le château il y avait deux belles cousines qui chantaient mieux à elles deux que tous les oiseaux du parc ; l’une s’appelait Fleurette et l’autre Isabeau. Toutes deux étaient belles, désirables et bien en point, et, les dimanches, quand elles avaient leurs belles robes, si leurs blanches épaules n’eussent pas montré qu’elles étaient de véritables filles, on les aurait prises pour des anges ; il n’y manquait que les plumes. Quand elles chantaient, le vieux sire de Maulevrier, leur oncle, les tenait quelquefois par la main, de peur qu’il ne leur prît la fantaisie de s’envoler.

Je vous laisse à penser les beaux coups de lance qui se faisaient aux carrousels et aux tournois en l’honneur de Fleurette et d’Isabeau. Leur réputation de beauté et de talent avait fait le tour de l’Europe, et cependant elles n’en étaient pas plus fières ; elles vivaient dans la retraite, ne voyant guère d’autres personnes que le petit page Valentin, bel enfant aux cheveux blonds, et le sire de Maulevrier, vieillard tout chenu, tout hâlé et tout cassé d’avoir porté soixante ans son harnois de guerre.

Elles passaient leur temps à jeter de la graine aux petits oiseaux, à dire leurs prières, et principalement à étudier les œuvres des maîtres, et à répéter ensemble quelque motet, madrigal, vil-